Sortir du brouillard
Aujourd’hui, l’économie mondiale se trouve plongée dans les brumes d’automne, rendant toute prévision hasardeuse. Il y a tant de signes contradictoires qu’ils donnent le vertige. Nous traversons ainsi une crise inédite de l’offre qui pourrait évoluer très vite en crise de la demande sous les pressions inflationnistes nourries par l’envolée des prix de l’énergie. Les banques centrales elles-mêmes ne paraissent plus savoir sur quel pied danser, refusant à la fois de précipiter le monde dans la récession par une augmentation drastique des taux d’intérêt mais donnant en même temps le signal que le modèle de croissance à crédit est révolu. Enfin, c’est un paradoxe bien français, comment expliquer que les entreprises soient confrontées à des difficultés historiques de recrutement alors que notre taux de chômage ne parvient pas à descendre sous la barre des 7 % ?
Face à ces paradoxes, quelle réponse apporter ? Attendre pourrait être une première tentation, la procrastination pouvant apparaître parfois comme un refuge confortable. Mais notre responsabilité collective est au contraire de chercher à apporter des réponses pragmatiques aux menaces qui pèsent sur notre économie. Face aux nombreux enjeux qui sont devant nous, deux d’entre eux me semblent absolument prioritaires.
En premier lieu, une réforme du travail et de l’assurance chômage est plus que jamais indispensable. Osons le dire, notre pays ne peut plus se permettre de financer par la dette ce que certains responsables politiques inconscients revendiquent comme un droit à la paresse. Nous avons des savoir-faire exceptionnels, en particulier pour les plus jeunes d’entre nous. Il appartient aux entrepreneurs et aux dirigeants d’apporter des réponses concrètes aux souhaits de nos collaborateurs de travailler différemment afin qu’ils puissent s’épanouir dans nos entreprises. Il appartient à l’État et à ceux qui nous gouvernent de prendre leurs responsabilités pour assurer une couverture chômage qui soit financée pour ceux qui en ont réellement besoin et en parallèle de lutter avec fermeté et détermination contre toute inaction qui aboutirait à exclure un grand nombre de citoyens de notre société alors que, répétons-le, tant d’entreprises peinent à recruter.
En second lieu, évidemment les enjeux énergétiques. Le thème de la sobriété est sans aucun doute vertueux. Mais à court terme, c’est un autre type de défi auquel beaucoup d’entreprises françaises et européennes sont aujourd’hui confrontées : comment payer des factures d’énergie parfois multipliées par cinq ? Cette envolée des coûts menace à la fois leur existence même et crée de nouveaux déficits de compétitivité. A terme, elle pourrait se traduire en Europe par un mouvement irréversible de délocalisation, en particulier vers les États-Unis où l’énergie est moins chère.
Alors que nous travaillons tous au contraire sur une réindustrialisation de nos économies en nous appuyant sur l’innovation, cet effort, dont le Private Equity est appelé à devenir un acteur majeur, pourrait être réduit à néant si à Bruxelles on ne parvenait pas de toute urgence à mettre sur pied un bouclier tarifaire.
L’Europe doit faire face à un défi économique historique. Relever ce défi est une question de survie. La mobilisation de chacun pourra, j’en suis certain, faire de ce risque une réelle opportunité pour nos économies et pour l’unité de l’Europe.