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L'invité, Thierry de la Tour d'Artaise, Président Directeur Général du group SEB

Thierry de la Tour d’Artaise, Président Directeur Général du groupe SEB

Ses différentes responsabilités dans le domaine de la finance ont nourri l’expérience de gestionnaire rigoureux de Thierry de la Tour d’Artaise, avant qu’il ne rejoigne le Groupe SEB en 1994. En même temps, elles lui ont permis d’affûter une stratégie internationale qui allait se révéler particulièrement efficace quand il s’est agi d’affronter l’accélération foudroyante de la mondialisation du groupe SEB, dont il est devenu Président en 2000. Thierry de La Tour d’Artaise revient sur ce parcours exceptionnel au cours duquel il a su relever le défi de cette mondialisation de la manière la plus éclatante qui soit, SEB devenant l’un des premiers groupes mondiaux dans son activité.

 

Avec 7 Md€ de chiffre d’affaires et une présence sur la plupart des continents, peut-on dire que le groupe Seb a réussi à « domestiquer » la mondialisation ?

Oui, mais tout en conservant 11 usines en France. La précision est importante. En effet, si l’industrie du petit équipement ménager est l’une des plus mondialisées, 90 % des produits vendus dans le monde provenant de Chine, Seb est resté attaché à sa présence en France où nous investissons en moyenne 60 M€ par an. Simplement, je pense que ce serait une erreur de tout produire en France : se battre sur des produits basiques, c’est le passé.

Comment avez-vous fait pour rester en vie ?
Notre stratégie est de nous adapter en permanence aux évolutions de notre marché, en consacrant une part importante de notre chiffre d’affaires à l’innovation. 3,5 % aujourd’hui. Nous venons d’investir à Ecully près de Lyon, siège mondial du groupe, près de 12 M€ dans la création d’un pôle mondial d’innovation pour l’activité « petit électroménager ». Il devrait employer entre 150 et 200 chercheurs. Notre objectif est de réunir sur un même site tous les acteurs de la chaîne d’innovation pour permettre au groupe d’accélérer le développement et le lancement de ses nouveaux produits. En parallèle, nous renforçons les moyens de la société SEB Alliance, qui est en quelque sorte une société de veille technologique, et qui noue des partenariats avec les startups, parfois en prenant des participations significatives dans leur capital. Dans le même temps nous investissons dans les Hauts-de-France 90 M€ dans la construction d’une plateforme logistique qui devrait être opérationnelle dès 2023, pour distribuer nos produits sur l’ensemble du marché européen.

C’est un paradoxe mais le groupe Seb a aussi une très forte présence en Chine ?

Pour le comprendre il faut faire un peu d’histoire. Dans les années 60 arrive la grande distribution avec sa constante pression sur les prix et sur les fabricants. Pour résister, l’industrie américaine a commencé à délocaliser vers le Mexique dans les années 70/75. Mais comme cela ne satisfaisait toujours pas les grandes chaines de magasins, l’industrie américaine a transféré ses usines en Chine, notamment à Shenzhen, alors une ville modeste de 10 000 habitants qui en compte aujourd’hui près de 15 millions. La Chine est ainsi devenue l’usine du monde.
Or, à l’époque, la grande distribution en France ne s’approvisionnait pas encore en Chine, ce qui nous a laissé un temps de répit. C’est seulement au début des années 2000 que cette évolution, dont SEB aurait pu ne jamais se relever, s’est produite. En 2004, le prix d’une cafetière, d’une bouilloire, ou d’un grille-pain de base, passe du jour au lendemain de 20 € à 5 €. Notre coût de revient pour ces appareils fabriqués en Normandie, dans les Vosges, ou dans le jura, était de 11 € … alors quelle solution ? Nous avons pris la décision radicale de fermer ces trois sites, mais à la SEB. C’est-à-dire en trouvant une solution pour chaque salarié et en renforçant d’une façon drastique notre département de Recherche & Développement. Nous sommes également partis nous implanter en Chine pour y fabriquer des produits d’entrée de gamme. Au besoin, en prenant quand c’était possible, le contrôle de fabricants chinois. À ce jour nous sommes le seul groupe dans le monde à avoir réussi à prendre le contrôle d’une société chinoise cotée. Support faisait alors 100 M€ de chiffre d’affaires, aujourd’hui elle en fait 1,8 Md€.

Comment expliquez-vous une telle réussite industrielle en Chine ?

En respectant les cultures et les traditions locales. Aujourd’hui Support emploie 12 000 salariés dans 6 usines et chaque jour 25 000 démonstratrices sont présentes sur les lieux de vente pour expliquer la qualité des produits. Bien entendu les équipes marketing sont chinoises, car ce sont elles qui connaissent le mieux leur marché. Ce que nous avons fait en Chine, nous l’avons transposé dans d’autres pays, par exemple en Colombie où nous avons pris le contrôle du groupe Imusa, auquel les consommateurs sont très attachés par un affect profond remontant souvent à l’enfance. Chaque famille colombienne possède au moins deux ou trois ustensiles de cuisine de cette marque que nous continuons de fabriquer sur place. Nous continuons à concevoir et fabriquer les appareils plus sophistiqués en France mais nous les distribuons en Colombie sous la marque Imusa.

S’adapter aux traditions de consommation et respecter les cultures de chaque pays, c’est ce qui nous a permis d’une certaine façon de résister à la mondialisation. En Chine nous sommes largement numéro 1 pour tous les produits non électriques, et numéro 2 pour les produits électriques.

En même temps vous avez conquis le marché mondial ?

Effectivement, Dans les années 80 à 2 000 il s’est produit plusieurs phénomènes mondiaux extrêmement importants : la chute des dictatures en Amérique du Sud (Chili, Argentine, Brésil) et l’effondrement du bloc de l’Est. Deux événements majeurs qui ont provoqué un appétit de consommation gigantesque dans ces marchés qui se sont dès lors ouverts. Par exemple en Russie on s’endettait pour acheter des fers à repasser made in France ! Pour faire face à cette évolution, nos concurrents dont un célèbre groupe hollandais, aujourd’hui propriété d’une multinationale chinoise, se sont massivement délocalisés vers la Chine, ce que nous avons refusé de faire en maintenant une présence industrielle en France.

Comment voyez-vous évoluer votre marché dans les années à venir ?

Je crois qu’aujourd’hui nous assistons à une double révolution. Une révolution sociétale avec un consommateur qui ne veut plus acheter un simple produit mais un service avec des conseils et des recettes, et grâce au développement des appareils connectés le lien avec lui ne cessera de se renforcer. La deuxième révolution c’est le rapport du consommateur au développement durable. Nous avons été des pionniers en la matière. Et je me souviens avec quelle condescendance ironique nous considéraient nos concurrents quand nous réparions nos appareils. Aujourd’hui nous sommes dans l’ère du temps. Mais cette démarche ‘écologique’ doit aussi être intégrée dès l’étape de la conception du produit. Nous avons un réseau de 120 franchisés en France et 6 800 dans le monde, qui réparent nos appareils.
Nous venons d’investir à Paris dans un centre de maintenance spécialisé dans la vente de produits d’occasion, pour répondre à une évolution nouvelle. Aujourd’hui l’industrie est en train de créer un nombre d’emplois considérable mais en dehors des usines. Dans le marketing, les services … Des emplois à forte valeur ajoutée qui sont en train de révolutionner la sphère du travail. Ce sont des emplois que nous pouvons maintenir en France et c’est sans doute ce qu’il y a de plus fondamental.

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